Ici , tous les 15 du mois: la chronique "toodè" ...
une autre manière de dire Aujourd'hui et de lire
ou relire les événements avec les verres teintés de François de Sales ...

Toodè  N° 229

Toodè N° 230

Toodè N° 230

« Qu’un sang impur abreuve
nos sillons »

ou cultiver la fraternité ?

Stéphane Raux osfs

année 2020
JANVIER

 
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le 17/01/2020

     
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 Rassurez-vous et lisez jusqu’au bout ces lignes .... Ce n’est q’une provocation.

Et j’ai la chance de n’être ni un footballeur de l’équipe nationale, ni un militaire, ni un élu, ni… bref ceux dont on dit qu’ils sont obligés de savoir et chanter ces paroles de notre hymne national. Des événements dramatiques récents, pourtant si éloignés du 14 juillet, militaires français morts au Mali, sauveteurs décédés dans le cadre de leur mission, souvenirs d’actes terroristes à Paris, etc, nous ont pourtant infligé à nouveau ce couplet. Est-ce que ces paroles inconsciemment ne travailleraient pas l’esprit de nos concitoyens ?  -Avis au passage aux auteurs positifs qui pourraient proposer une alternative-…

            Mais puisqu’aujourd’hui en terme de communication il est de bon ton de forcer le verbe, d’exagérer les mots, de prendre des images révolutionnaires voire guerrières, -et en référence à ce que vit notre société en ce début d’hiver-, je me suis posé la question :

de quelle nature est notre relation aux autres, à l’autre ?

            Il est vrai que le sang impur fait d’abord référence à cet ennemi potentiel qu’est pour beaucoup l’étranger. Il est peut-être utile de rappeler que sur ce point, l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques) nous dit que, en France, un quart de la population résidante a au moins un grand-parent né à l’étranger ! Nous apprenant au passage que si l’immigration est relativement faible par rapport à la croissance démographique globale, elle est fortement représentée dans les origines ‘nationales’, de chacune et chacun d’entre nous. Que, -et cela est valable pour toutes les sociétés d’accueil-, la société française change et a changé de composition en quelques générations. Nos histoires, personnelles et nationale, sont tellement complexes qu’il est donc illusoire aujourd’hui de distinguer les « français de ‘papiers’ » des « vrais gaulois ». Notre destin est commun. Notre avenir est commun, il nous revient de le construire ensemble.

            Et nous avons pour cela cette fameuse devise « Liberté-Egalité-Fraternité », rappelée dans le Toodè précédent…

… devise qui d’une part est malmenée par le communautarisme…

… et d’autre part, également par ce cancer de nos sociétés occidentales actuelles, l’individualisme… pour être politiquement correct.

            J’ai beau être revenu en Europe depuis plus de 12 ans, je ne me fais toujours pas à :

. L’arrogance de pays comme les Etats-Unis de Trump par rapport à la question écologique qui concerne l’avenir de la planète, ou qui montre ses muscles militaires face à une situation internationale…

. L’insouciance des pays occidentaux sur les inégalités sociales et économiques entre pays riches et les autres…  Les grèves actuelles en France en sont un bon exemple.

. La défiance même en démocratie (on en connaît la relativisation de Winston Churchill: ‘la démocratie est le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres’), envers les dirigeants élus…

. Et au final, l’égoïsme, disons le mot, à l’intérieur même de notre pays. L’objectif légitime des syndicats et autres corps intermédiaires de pointer les failles ou faiblesses d’une proposition de réforme, qui pourrait favoriser notamment les plus précaires, semble oublié au profit de la volonté de sauvegarde d’intérêts particuliers d’autres catégories socio-professionnelles pas spécialement défavorisées… et dans un monde qui change pourtant…           

     « Qu’un sang impur abreuve nos sillons »… ? 

Celui des salariés du privé qui financeraient abusivement, par impôt interposé, la retraite du fonctionnaire, du cheminot, calculée sur des bases bien différentes ?

Celui dont la pénibilité ne serait reconnue qu’à ceux qui ont les moyens syndicaux de la revendiquer ?

Celui dont la situation est simplement différente de la mienne et que je considère comme concurrente au lieu de la voir comme complémentaire dans la société ? à égalité…

            Ce qui apparait depuis plusieurs semaines comme un mépris anti-fraternel, ces revendications anti-égalitaires, cette non-solidarité, sont possibles car il existe chez nous la liberté pour certains de les exprimer. Donnant ainsi l’illusion que nous sommes toujours en démocratie : mais si le droit de grève est constitutionnel, celui de blocage ne l’est pas. Cette « dictature de la démocratie », ces « défilés d’égoïsmes catégoriels »,  comme je l’ai entendu sur des ondes nationales récemment, semblent prendre le pas sur le projet dune société fraternelle, égalitaire, libre… … A croire que le « sang impur » aujourd’hui n’est plus étranger, mais dans nos rangs, et non plus sur un critère de nationalité/immigration.

            La culpabilité lointaine que nous pouvions avoir, de notre prise de conscience quand on lit et écoute des témoignages, si on a voyagé et vécu à l’étranger, à partir de plaidoyers  tiers-mondistes ou autres… se trouverait soudainement exacerbée parce que le problème n’est plus international, mais est vécu à l’intérieur même de notre société !

            Dans notre société dite démocratique, 51% de la population peut imposer sa position à tout le monde, faisant au passage 49% de mécontents, qui auront pour seule priorité de prendre leur revanche le plus tôt possible.

            Alors que dans les sociétés traditionnelles africaines, c’est le consensus, sous l’arbre à palabre, qui est recherché. Cela prend du temps c’est vrai, mais le résultat est une paix durable…

 Finalement, qui est le plus moderne ?

Et cela nous repose au passage la question de l’importance du temps dans nos vies…

« Le temps est supérieur à l’espace », nous dit notre pape François…

            Des analyses de situations particulières ont bien montré que, lorsque, dans des sociétés a priori en paix, à gouvernance reconnue, économiquement viables, dont des inégalités sociales étaient tolérées, lorsque donc un petit quelque chose ou un événement plus grave est venu déstabiliser cet équilibre, la violence apparaît très vite, l’égoïsme prend facilement la place du simple individualisme qui était la, rampant. Et cela dégénère très vite.

On peut faire le parallèle avec ces réactions individuelles souvent constatées lors d’une catastrophe ou d’un attentat : ‘ma survie avant de penser aux autres’. Je laisse aux abonnés du métro ou du RER parisiens d’apporter leur propre appréciation depuis quelques semaines…

            Mais socialement, à ce jour, n’est-on pas proche de cet état d’esprit, en bon occidental ‘individuel’ que nous sommes ?

            Or, on ne construit pas, par principe, une société sur l’opposition, mais sur la solidarité.

Même les dernières études naturalistes, -y compris sur le loup !-, commencent à comprendre que les systèmes naturels, animaux, végétaux, survivent plus grâce à l’entraide entre eux qu’à leur concurrence… L’Homme, considéré bibliquement comme le sommet de la création et nous avons la prétention de le croire (« L’Homme est le paradis du paradis même, puisque le paradis terrestre était fait pour être le séjour de l’Homme, comme l’Homme a été fait pour être le séjour de Dieu », St-François-de-Sales), l’Homme donc naurait-il pas oublié, dans sa vie quotidienne, sa place, par rapport à ses frères, par rapport à Celui à qui il doit tout ?

                        « Une grande misère parmi les hommes, c’est qu’ils savent si bien ce qui leur est dû et qu’ils pensent si peu ce qu’ils doivent aux autres », disait encore Saint-François-de-Sales.

            Alors, peut-être que la fraternité se cultive ?

            Heureusement, nombre d’initiatives locales montrent que l’esprit écologique, la fraternité, la solidarité, reprennent comme naturellement leur droit ici ou là. Comme une nouvelle résurgence… Comme un coup de main de l’Esprit-Saint, inattendu mais bienvenu et reconnu…

            Ces derniers jours ou semaines, plusieurs de mes confrères ont fait un séjour à l’hôpital dont ils sont ressortis, Dieu merci. Pour notamment des problèmes cardiaques, de circulation sanguine…

« Le sang de tous les hommes est rouge », chantait-on au début des années 70…

            Alors vous comprendrez donc que mes vœux de bonne année ne sont pas dans le titre de cette chronique.

            Au contraire, je vous souhaite, de tout cœur,

                        une bonne année fraternelle !