Toodè N° 48
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15 août 2004
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« Je m’appelle
Claire et voici Marie, nous souhaitons nous marier »
La
sonnette teinte, la porte s’ouvre, deux jeunes personnes d’une trentaine
d’années entrent :
-
« Bonjour, monsieur le curé. », elles sont
intimidées et gênées. « Je m’appelle Claire et voici Marie, nous
souhaitons nous marier.
-
Pourquoi cette démarche ?
-
Nous nous aimons depuis environ cinq ans. Marie et
moi avons reçu l’éducation chrétienne et
nous croyons en Dieu, aussi désirons-nous nous marier devant Dieu et la
communauté. »
Le
prêtre est embarrassé, il perçoit la sincérité des jeunes femmes, mais il ne
peut accepter et la réponse est facile :
-
« Vous savez très bien qu’un des fondements du
mariage est la procréation, et dans votre cas, c’est impossible biologiquement
et légalement. Dans ces conditions, le mariage à l’Eglise ne peut être
envisagé. De plus, il est impératif de présenter, au préalable, l’acte civil de
mariage.
-
Votre réponse ne nous surprend pas, toutefois, nous
nous permettons d’insister.. Nous aimerions célébrer notre amour devant Dieu,
nos familles et nos amis. »
L’embarras se dessine plus profondément sur le visage du prêtre, pourtant les récents évènements de Bègles l’avait conduit sur les chemins de cette réflexion. Il ne voit toujours pas quel argument avancer pour justifier un refus : Comment peut-on interdire à deux personnes, qui en font sincèrement la demande, de déclarer leur amour devant Dieu ?
Le père s’accorda quelques
jours de réflexions.
-
« Claire
et Marie, je reçois parfaitement votre demande, et la comprend, toutefois cette
célébration heurtera un certain nombre de catholiques et ma hiérarchie, je ne puis vous donner une réponse immédiate.
Il est nécessaire que nous nous revoyions. »
Marie et Claire sont déçues
mais heureuses et encore pleines d’espoir. Le prêtre ne les avait pas renvoyées
à la première requête, ni n’avait opposé un refus à la dernière demande même
s’il ne l’avait pas acceptée. Et comme pour confirmer cette impression de
bienveillance, le prêtre poursuit la conversation en les questionnant sur leurs
aspirations.
-
« En
fait nous aimerions fonder une famille, avoir et éduquer des enfants dont
nous serions les parents à part entière à l’instar des couples hétérosexuels,
c’est à dire avec les mêmes droits et obligations. Pour cela, il suffirait de
pouvoir adopter en tant que couple. Nous savons que jusqu’à présent la société
a posé ses fondements sur le mariage entre un homme et une femme dans le but
premier de procréer et que toute législation protège ce fondement, excluant
toute autre approche.
Aujourd’hui,
nous sommes à l’heure de la tolérance, même si nous souffrons de ségrégation
due à la nature de nos sentiments. Longtemps j’aurais aimé être
« normale » comme vous dîtes, mais depuis que j’ai rencontré Claire,
je souhaite vivre, partager ma vie telle que je suis sans intolérance sans
discrimination, dans la différence mais dans la normalité, que notre couple
soit reconnu. Je voudrais avoir accès au mariage, avoir la possibilité de
bénéficier des mêmes droits que tout un chacun, notamment ceux qui concernent
la création d’une famille, en ayant recours à l’adoption.
-
Vos
aspirations sont légitimes, mais il s’agit d’un choix qui revient à la société
civile. C’est un choix de société : intégrer ou non d’autres modèles. Il
appartient au législateur de décider, donc à chacun des citoyens que nous
sommes. Quant à l’Eglise, sa position est claire, seuls un homme et une femme
peuvent demander le mariage et il leur est nécessaire de présenter un projet de
famille.
-
Mais
l’Eglise peut également accepter d’autres modèles. Et puis si un homme et une
femme âgés, célibataires demandaient le mariage, qu’ils soient sans descendance
et vu l’âge sans projet de famille envisagée ou envisageable, que
feriez-vous ?
-
Je crois
que je serais aussi embarrassé que je le suis aujourd’hui, comme pour vous je
réfléchirais. »
Sur une invitation à
poursuivre le débat sur le mariage homosexuel s’achève le texte, qui s’est fait
attendre, de Marianne et Bernard.