Dossier Toodè
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Sommaire du Dossier
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document 2
La France a peur ?
France “terre d’accueil” ! Je croyais trop naïvement[1]
à cet abrégé ! Mais la France a peur, nous dit-on… alors exit l’accueil, comme
pour dire de mieux protéger « notre » terre ! D’ailleurs il paraît qu’il y a des
Islamistes partout, surtout dans les gaines d’aération de Roissy ! Non, sans
rire ? Un islamiste c’est facile à trouver il a une barbe et va à la mosquée ! M
de Villiers y est allé en personne… à la mosquée et à Roissy, au nez et à la
barbe de tous… donc c’est vrai !
La France a peur et certains de ses dirigeants ne résistent pas à manipuler et
amplifier cette peur ! D’autres en perte de vitesse dans les sondages, mais qui
aimeraient tant « diriger » notre pays, n’ont de cesse que de trouver des voies
au lieu de permettre qu’entre les peuples nous trouvions ensemble des voix pour
vivre une immigration et des échanges heureux.
L’autre, l’étranger, naturellement, fait peur !
Ah cette sacrée peur ! Vous savez celle dont François de Sales disait qu’elle
est plus grand mal que le mal
[2] ! Chacun
voudrait bien se défaire de la peur ! Il arrive trop souvent, ou toujours si
nous n’y prêtons pas attention que nous l’éliminions en bannissant ceux qui font
peur et il y a bien des manières de le faire. La façon la plus simple consiste à
supprimer purement et simplement celui qui vous fait peur et hop il n’y aura
plus qu’une tombe inoffensive dans un paisible cimetière !
Sans aller jusqu’à la dalle funéraire il suffit d’éloigner, de « déporter » même
ou de ‘nommer’ ailleurs par une promotion douteuse, de mettre au placard, en
voie de garage, c’est plus pernicieux et plus facile à justifier…
On peut encore tout faire pour disqualifier celui qui porte ou symbolise la
peur, le rendre plus vulnérable en ironisant sur sa taille, sa couleur, son
sexe, sa religion, sa manière d’aimer et encore selon de bien d’autres critères
; tout cela à l’unique fin de le rendre moins humain, sous-humain, inhumain !
He, nous avons moins peur de ce qui est chosifié ou animalisé ! « Ah ces chiens
d’étrangers sont tout de même plus domptables ! »
Dire qu’il nous suffirait qu’un peu de force ou de curiosité pour franchir une frontière ! Remarquez, à force de parler du tout ‘sans-frontières’, nous tombons dans la confusion et l’illusion. Cela relève de la prouesse que de franchir les frontières que l’on passe son temps à gommer. Difficile de franchir celles qui séparent les peuples, pour aller à la rencontre et espérer ainsi dépasser doucement cette autre frontière plus sournoise et résistante qui nous retient ou enferme en nous-mêmes, en nos certitudes, en nos manières de voir, d’envisager la vie ou de croire. Et quand vous estimez sortir tout droit de la cuisse de Jupiter ou d’être choisi et envoyé par Dieu lui-même alors plus grand chose de ce qui est de l’humain quotidien ne vous émeut !
C’est ado, dans mes années lycées, que pour ma part, j’ai découvert que certaines frontières que je croyais infranchissables sont devenues passages ! A l’arrière de mon lycée il y avait une zone à forte concertation immigrée, on l’appelait « Chicago », tout un programme et en tout cas un lieu «infréquentable.» Jusqu’au jour où les éducateurs de ce lycée nous ont signifié que dans ce Chicago-là il y avait des gens qui voulaient apprendre le français et, dirions-nous aujourd’hui, s’intégrer. Notre modeste statut de lycéen pouvait facilement répondre à cet appel d’alphabétisation ! C’est ce que nous avons risqué, à quelques-uns. Nous avons répondu présents. Depuis ce jour-là, je me suis surpris et étonné moi-même de traverser la rue spontanément pour aller serrer la main à un maghrébin : les côtoyer dans ces cours m’ont appris le « b.a.-ba » du voyage vers l’autre.
Se donner la chance de passer cette frontière-là ouvre à un échange. Alors des regards se croisent pour aller à la rencontre l’un de l’autre. Des mains se tendent, non pas d’abord pour prendre ou donner, mais pour se « sentir », s’apprivoiser, se reconnaitre.
Alors mesdames et messieurs les politiques puisque une campagne s’annonce puisiez-vous plutôt que d’agiter la peur, mettre en œuvre un co-développement apte un durable bonheur ? Thierry M
[1] Voir
l’article du Dossier : « Voyager librement à l'étranger »
[2] Tome 13
- p211 Lettre de F de Sales à Madame de Chantal année 1606
Et voilà un
passeport doit « permettre de voyager librement à l'étranger »
mais je dirai aujourd’hui que vouloir inviter pour 15 jours un ami de l’Afrique
subsaharienne est devenu un parcours du combattant des plus discussifs !
Autrement dit, il devient impossible de recevoir chez soi, dans nos belles
régions de France, un ami étranger, résidant au-delà de “l’espace Schengen” de
l’Union Européenne !
Une Union Européenne qui garantit en son espace “la libre circulation des marchandises, des capitaux et des hommes.” Pour les marchandises et les capitaux pas de problèmes, mais pour les hommes, c’est une autre histoire !
Il y a 20 ans est né le premier CHF comprendre Camp Hors Frontières à cause de la « douce » folie de quelques jeunes et de la confiance des adultes qui les côtoyaient. C’était à « La Rencontre » un nom prédestiné : celui de l’Aumônerie de l’enseignement public de Thonon-les-Bains.
Depuis ce temps, au rythme de tous les trois ans environ, nous remettons sur le métier ce type de démarche. Les camps hors-frontières permettent à des lycées de vivre rencontres, échanges et découvertes au cours d’un camp itinérant dans un pays du « Sud» privilégiant l’Afrique francophone !
Lors du dernier CHF la rencontre a fait naitre, un soir sous l’arbre à palabres, l’idée que le prochain CHF serait « paritaire » ou ne serait pas ! En effet nos hôtes africains nous ont dit que notre projet leur paraissait excellent et qu’eux aussi devraient pouvoir vivre une telle démarche. Une graine était plantée et un an plus tard nous entreprenons d’en faire un défi !
Première phase se rencontrer à quelques uns pour formaliser le projet et se donner une démarche paritaire dans la préparation.
Il est décidé que deux des animateurs du groupe africain seront accueillis en France pour réaliser cette étape, leur permettant du même coup de vivre une démarche de voyage découverte. Il faut s’y prendre assez tôt… la démarche va surement demander du temps ! Alors acte premier, il s’agit pour nos deux amis voyageurs d’acquérir auprès de leur administration le précieux sésame qu’est le passeport.
Plusieurs mois plus tard, moyennant 56 000 FCF (85,37 €) pour les divers frais… sans compter les « pourboires ! » … les Passeports sont réalisés, flambant neufs ! Nous pouvons enfin engager la demande de Visa. Oui parce que le Passeport, en fait, ne suffit pas !
Me voilà donc parti à la mairie de mon village qui sera le lieu d’accueil de nos amis pour obtenir « l’Attestation de Séjour » (Mod Cerfa 107 98 84*02) non sans avoir pris le temps de vérifier sur Internet le protocole de cette démarche : dépôt des fiches de paie des trois derniers mois, attestation de résidence, passeport de l’accueillant, passeports des accueillis, vérification des M2 et de l’état sanitaire de la maison, assurance à souscrire auprès d’une assurance privée (116,38 €) pour couvrir les éventuels frais médicaux et d’hospitalisation jusqu’à concurrence de 30.000 € ! Quand on sait qu’un le Smig dans le pays de nos amis ne dépasse pas 30 000 fcfa (45€)
Ah j’oubliais il me faut encore passer au bureau de tabac pour acquérir les deux timbres fiscaux OMI (Office des Migrations Internationales) car la circulation des individus est taxée 15€ par personne accueillie ! Vive Schengen !
Me voilà presque au bout de mes peines. Mais comment faire parvenir ce papier là-bas en Afrique, car l’email ne digère pas le papier timbré et filigrané « R.F. » ?
La Poste, oui,
la Poste, mais c’est bien sûr ! Durée prévisible entre 10 jours et deux mois
c’est selon... et parfois cela n’arrive pas du tout, perdu ! Je demande au
postier si je peux envoyer mes 20g d’attestations par Chronopost. Il change de
tête et me dit que … « oui c’est possible mais que le prix… » Quoi le prix ? 54
€ ! Bing ! 2.7 € le gramme ! Pas le choix je prends, je paie… A ce prix là j’ai
même la chance de suivre l’évolution de mon envoi via Internet… Heureux de cette
commodité je l’ai suivi … jusqu’à la frontière française (aéroport !) … après
plus de nouvelle … mais je sais que mon précieux Chronopost est arrivé dans les
délais annoncés ! Ouf !
Voilà que nous touchons au but ! C’est l’affaire, pour nos deux voyageurs qui
ont de plus en plus hâte d’arriver en France, d’un déplacement dans leur
capitale, au Consulat de France pour faire le Visa et le tour est joué !
Pas de chance. Ca ne marche pas comme cela. Il faudra revenir : « Il manque des papiers dit le service du Consulat. » Ah bon ?
Téléphone,
email… je me vois contraint de fournir au Consulat de France du pays de mes amis
tous les papiers que j’ai fourni à ma mairie française pour avoir l’Attestation
de séjour … (pièce d’identité, fiches de paie…) et en plus une déclaration comme
quoi mes deux invités seront bien reçus ? non… comme quoi je m’assure qu’ils
repartiront bien de France, après avoir expliqué en long et en large pourquoi
ils viennent en France !
Surpris que le Consulat de France ne reconnaisse pas les formulaires dument
estampillés de la République en dehors du sol français je me résous à rassembler
tous ces papiers. Un email suffit à tout transmettre. Retour au Consulat de
France, nouveau voyage (800Kms aller/retour) pour une mention : « Visa refusé !
» Pourquoi ?
Une sombre raison ! Le visa a été demandé du premier Avril au Premier Mai… ce
qui fait paraît-il au Consulat de France fait deux mois ! … et deux mois ce
n’est pas possible (alors que le Visa peut courir sur trois mois officiellement
!) en fait nous apprenons que deux mois en France, sans inscription dans une
faculté en France, ferait de mes amis des clandestins ! Coup de masse ! Bon
alors le moral baisse pour tout le monde ! C’est mission impossible ! Mais la
colère monte aussi.
De fil en aiguille le Consul lui-même est joint en personne ! Qui explique que
nous aurions dû le contacter directement. Que les problèmes d’immigration
obligent à une grande vigilance etc. mais il nous promet que ce visa sera
possible. Seul petit problème il faut recommencer toute la démarche à zéro !
Me voilà reparti à la mairie, au bureau de tabac, à la poste… Et nos deux amis
ont fini par arriver franchissant la ligne Schengen sans problème. Enfin ! Le
séjour fut excellent ! Et ils sont repartis chez eux. Ils sont passés au
Consulat pour faire viser leur passeport et les services de l’Etat français ont
pu ainsi vérifier que nos hôtes africains sont des amis qui découvrent la
France et qu’ils n’ont pas forcément vocation à devenir des clandestins ! Mieux
ils ont œuvré pour que dans un an une trentaine de jeunes français et africains
vivent ensemble une rencontre en Afrique histoire de faire tomber encore
quelques préjugés, de se prémunir contre ce mal rampant de la xénophobie et de
faire « frèrer » un petit bout de la planète !
Arrogance, mépris, humiliation peuvent devenir, très vite au guichet d’un
Consulat, la source d’un sentiment anti-français. Certes il y a des problèmes,
certes nous savons que certains africains ont profité d’un voyage- à l’occasion
de JMJ par exemple- pour ne pas rentrer chez eux… mais est-ce une raison pour
tout entreprendre pour se faire mal aimer ? Pour tourner le dos à une tradition
d’hospitalité de la part de la république française, et à une double tradition
et d’hospitalité et d’accueil qu’exige la fraternité chrétienne !
Pourquoi l’obtention d’un visa pour effectuer un séjour en France est devenue un
véritable parcours du combattant tellement dissuasif par la complexité des
démarches administratives que son coût exagéré ?
Pour deux personnes pour un séjour de courte durée 15 jours le coût global de
l’opération s’élève à 2310 €. Administratif -Passeport + Visa des deux côtés
de la Frontière 580 € à cela il faut rajouter le prix du voyage 1730€ !
Thierry M
Maurice : Le
moins que l’on puisse dire c’est que cela n’a pas été « une bienvenue ».
Toodé:: Il n’a pas eu droit au traditionnel « Bonne arrivée » ?
Maurice : Je n’ai pas l’impression, non, même si une partie de la classe
politique, pour ménager quelques intérêts lui ont ménagé un bon accueil ! Mais
les réflexions anti-françaises se sont multipliées depuis et les remarques sont
nombreuses ... le courant passe très mal en direction de la France !
Toodé: Tu constates ce ressentiment vis à vis de la France, de la part d’un pays
comme le Bénin c’est nouveau !
Maurice : La visite de Sarkozy est perçue par nous "comme une gifle" donnée à
ceux qui veulent simplement communiquer ou visiter la France...
Toodé: Derrière tout cela il y a la difficulté pour obtenir un visa SCHENGEN
(90 jours) ?
Maurice : Oui il y a vraiment de plus en plus de difficultés pour obtenir des
visas pour la France ! Les gens qui demandent des visas désormais passent par un
autre pays d'Europe, voir même vont dans un pays voisin du Bénin pour faire la
demande de visa. Petite anecdote significative... L'archevêque de Parakou a eu
du mal à avoir le sien, il lui a pratiquement fallu une lettre du Pape pour
prouver qu'il était archevêque et qu'il venait en France pour une rencontre
épiscopale… cela devient presque du ridicule et Nicolas Sarkozy vient pavaner en
Afrique et manifester un affront ! Et dans un même temps le Bénin ne se sent pas
trop visé car il y a peu de ressortissants Béninois qui essaient d'aller en
France, même clandestinement ! Il nous semble que cette visite de Sarkozy est
plus pour les français et son image électorale que pour autre chose...
Toodé: Ce qui
voudrait dire en fait que les manifestations à l’occasion de la tournée au Mali
et au Bénin de Nicolas Sarkozy, dont la loi durcit les conditions d’installation
des étrangers en France, a été interprétée par certains comme une provocation.
Maurice : Oui et les réactions ont été dures : Martin Assogba, le président d’Alcrer([1])
a déclaré : « Il n’est pas question d’accepter chez nous quelqu’un qui n’a pas
de respect pour les Noirs et qui pense que nous sommes toujours à l’époque nazie
où il faut oppresser les gens qui ont une couleur de peau différente de la
vôtre. »
Toodé: C’est dur !
Maurice : Oui et les slogans lus ou entendus dans les manifs sont éloquents : «
Sarkozy dehors !", "Raciste hors de chez nous !", "Sarkozy le porc qui veut
enseigner la propreté !" "Non au recul de l'humanité, au pillage des valeurs
intellectuelles africaines".
Toodé: Ce jour
là nous avons vu des étudiants brandir non seulement des pancartes mais aussi
des rameaux… C’était un bouquet sans fleur, les épines sans les roses ?
Maurice : Oui c’est vrai on a vu des étudiants « soulever » la feuille, comme
on dit ici, au Bénin ! On pourrait croire que dans les manifs, les mécontents
s’emparent de ce qui leur tombe sous la main sur le moment pour protester... de
l'herbe, des branches etc. en fait ce n’est pas tout à fait cela. Ils prennent
des rameaux de feuillages qu’ils agitent, c’est le prélude au bannissement de
quelqu’un. Soulever la feuille peut aller jusqu’à une insurrection populaire
quasi passionnelle que rien ne pourra enrayer. Celui contre lequel on soulève
la feuille peut réellement avoir sa vie en danger ! Ce n’est donc pas une
démonstration d’acclamation, mais d’opposition, voire de proclamation de mort
quand on soulève la feuille !
Ce n'est pas
comme Jésus qui passe sur son âne… là c'était l'âne sans Jésus !
Toodé: Nous avons aussi lu avec intérêt Albert Tévoèdjéré, un des conseillers du
président du Bénin, demandant au ministre français de l'Intérieur de « passage »
au Bénin, de reconnaître "un droit à la France" pour les Africains francophones.
Maurice : Albert Tévoèdjéré a voulu signifier que le peuple béninois avait tout
autant le droit que les pays de l’Est, nouvellement européens, de venir en
France pour travailler, s'installer ou simplement pour visiter et participer
ainsi à leur développement. Le passé colonial et l'occupation du Bénin par la
France en fait un pays très lié ou quasi dépendant... c'est une manière de
récupérer un peu du « bien » béninois qui revient sous cette forme.
Toodé: Alors,
allez-vous, vous aussi, vous laissez happer par la coupe du Monde ?
Maurice : Oui bien sûr, elle va bien nous lancer dans une activité forte pour
soutenir les pays africains : surtout l'Angola et la Côte d'Ivoire qui se
trouvent tout à fait unis pour l'occasion .. en espérant que la suite pourra
aussi se maintenir dans l'union…
- Toodé: Bon été et bonne saison des pluies surtout !
[1] L'ONG ALCRER (Association de Lutte contre le Racisme, l'Ethnocentrisme et le Régionalisme) crée au Bénin en Décembre 1994.
Document 5
Sarkozy
accueilli au Bénin par une vague de protestations
BÉNIN - 19 mai
2006 - par PANAPRESS
L'arrivée, jeudi soir au Bénin, du ministre français de l'Intérieur, Nicolas
Sarkozy, a provoqué vendredi à Cotonou des manifestations de protestation dont
un sit-in devant le ministère de l'Intérieur, en face de la présidence de la
République.
Tôt
le matin, les militants de l'Union nationale des étudiants du Bénin (UNEB) ont
manifesté devant le ministère de l'Intérieur où M. Sarkozy devait rencontrer le
ministre béninois de l'Intérieur et des Collectivités locales, Edgar Allia.
Chantant et scandant des slogans hostiles au ministre français, les étudiants
brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Sarkozy dehors !",
"Raciste hors de chez nous !", "Sarkozy le porc qui veut enseigner la propreté
!" ou encore "Non au recul de l'humanité, au pillage des valeurs intellectuelles
africaines".
"Nous défendons la dignité de l'humanité et tenons à prouver à Sarkozy que le Noir est égal au Blanc et que la France s'est développée grâce au travail de nos ancêtres", ne cessait de clamer un des leaders étudiants.
Quelque 200 étudiants membres de l'Association de lutte contre le racisme, l'ethnocentrisme et le régionalisme (ALCRER) ont manifesté dans les rues de Cotonou pour protester contre la visite du ministre française, qualifiant M. Sarkozi d'"ennemi des Africains".
"Sarkozy à Cotonou, c'est de la provocation", scandaient-ils, nullement découragés par une forte pluie qui s'abattait depuis l'aube sur la capitale économique béninoise.
"Immigration choisie égale traite négrière ! Sarkozy dehors !", pouvait-on lire sur une de leurs pancartes.
Dans une déclaration publiée vendredi à Cotonou, la section béninoise de l'Organisation pour la défense des droits de l'homme et des peuples a dénoncé la loi sur l'immigration qu'elle qualifie de "liberticide", appelant tous les démocrates français et étrangers à s'y opposer.
Les députés béninois, qui ont annulé leur marche de protestation contre la visite de M. Sarkozy, ont décidé de boycotter la réception prévue en l'honneur du ministre français.
M. Sarkozy, arrivé jeudi soir à Cotonou en provenance du Mali, a été reçu vendredi matin par le président béninois, Yayi Boni, et devrait rencontrer en fin de matinée les représentants de la classe politique locale.
Sarkozy révèle
sa politique africaine
Manifestation d'étudiants béninois contre la venue de Nicolas Sarkozy,
le 19 mai 2006 à Cotonou. (Photo: AFP)
La
nouvelle loi Sarkozy sur l’immigration a fait des vagues au Mali. Elle en a fait
également au Bénin où le ministre français de l’Intérieur a poursuivi sa courte
tournée africaine. A un an de la présidentielle française, le numéro deux du
gouvernement a également appelé à la construction d’une «relation nouvelle» avec
l’Afrique.
Comme au cours de sa visite, jeudi au Mali, l’essentiel des entretiens de Nicolas Sarkozy, au Bénin, a porté sur « l’immigration choisie » que le ministre français de l’Intérieur a l’intention de mettre en place avec sa nouvelle loi. Le numéro deux du gouvernement français a eu un entretien sur ce thème ainsi que sur le codéveloppement, avec le président Thomas Yayi Boni. Devant la classe politique béninoise, Nicolas Sarkozy, qui veut être le candidat de l’UMP à la présidentielle de l’année prochaine, a également prononcé un discours consacré à « la politique de la France en Afrique ».
« Il nous faut construire une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé et des obsolescences qui perdurent de part et d’autre de la Méditerranée », a affirmé le numéro deux du gouvernement français. Dans son discours, Nicolas Sarkozy a également indiqué que la relation entre la France et l’Afrique devait « être plus transparente. Il nous faut la débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autres mandats que ceux qu’ils s’inventent ». Nombre d’observateurs ont noté, dans les propos du ministre, une volonté de rompre avec les politiques africaines de ces dernières années, avec une volonté de se démarquer de Jacques Chirac.
Le passage de Nicolas Sarkozy à Cotonou n’est pas passé inaperçu : des policiers anti-émeutes et des soldats étaient déployés autour du bâtiment officiel dans lequel la rencontre a eu lieu entre le ministre français de l’Intérieur et son homologue béninois. A l’extérieur, plusieurs centaines de personnes ont manifesté contre la visite du numéro deux du gouvernement français. (…) Comme au Mali, une partie de la population voulait condamner la nouvelle politique d’immigration de la France, durcie par une nouvelle loi votée mercredi à l’Assemblée nationale à l’initiative de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur (…)
Tandis que les militants jouaient l’affrontement, l’un des conseillers du président béninois, Albert Tévoèdjéré, préférait la méthode douce. Avant même l’arrivée du ministre français à Cotonou, ce conseiller rendait publique une lettre ouverte qui lui était adressée. Pour Albert Tévoèdjéré, en raison du passé commun du Bénin et de la France, l’ancienne puissance coloniale, « nous avons droit à la France autant, sinon davantage, que certains ressortissants européens qui s’installent désormais sans nulle barrière de Dunkerque à Avignon ». Dans ce courrier, le conseiller de Thomas Yayi Boni a également proposé l’ouverture d’un « dialogue positif, pour découvrir et inventer les projets et les mesures pouvant effectivement retenir en Afrique ceux qui n’ont que le choix de partir ». Le conseiller du président béninois a estimé par ailleurs qu’un vrai codéveloppement constitue la seule solution pour freiner les velléités de départ des Africains.
Albert Tévoèdjéré a également proposé à Nicolas Sarkozy de délocaliser en Afrique des instituts universitaires et des organismes de recherche et d’accompagner cette mesure des « investissements pour l’invention commune ». Nicolas Sarkozy entendra-t-il cet appel ? Lorsqu’il avait présenté son projet de loi sur « l’immigration choisie » devant les députés français, le ministre de l’Intérieur l’avait dit ouvertement : la France a besoin des informaticiens indiens, des ingénieurs chinois, mais pas d’une main-d’œuvre sans qualification comme la main-d’œuvre africaine. Quant aux cadres africains formés en France et travaillant en France, le ministre de l’Intérieur a déjà dit qu’il a l’intention de leur imposer une période de travail dans leur pays d’origine.
Jeudi, au Mali, au cours d’une rencontre houleuse avec des représentants de la société civile, Nicolas Sarkozy avait lancé : « La France, économiquement, n’a pas besoin de l’Afrique. Les flux entre la France et l’Afrique représentent 2% de notre économie ». Une participante au débat avait reproché à Nicolas Sarkozy de négliger la participation des Africains à l’expansion française. Nicolas Sarkozy voulait lever les « malentendus » entre la France et les Africains. Il a rappelé à la dure réalité ceux qui rêvent de la France et continuent à la mettre sur un piédestal. Colette Thomas
Document 7
Les accords de Schengen
Signés en 1990 et intégrés au droit français en 1992, les accords de Schengen
instituent un libre espace de circulation des personnes au sein de l'Union
européenne et reporte les contrôles aux frontières extérieures de l'espace
Schengen. L'objectif poursuivi, à terme, consiste à mettre en circulation un
visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des parties
contractantes. L'entrée sur le territoire commun pour les étrangers répond
dorénavant à des conditions drastiques : justifier de la légalité de l'entrée,
de l'objet et des conditions du séjour et des moyens de subsistance. A ces
conditions, la circulation au sein de l'espace communautaire est libre pour
trois mois, sous la réserve suivante : déclarer sa présence sur un territoire
national autre que le territoire d'entrée aux autorités nationales compétentes.
L'espace Schengen crée de fait un double "espace politique" au sein de l'UE et
une discrimination quant à la liberté de circulation en son sein des "résidents
non communautaires".
Document 8
: ...nous avons droit à la
France
Dans une lettre ouverte dont l'AFP a obtenu copie, M. Tévoèdjéré explique qu'en
raison du passé commun du Bénin et de la France, ancienne puissance coloniale,
"nous avons droit à la France autant sinon davantage que certains ressortissants
européens qui s'installent désormais sans nulle barrière de Dunkerque à
Avignon".
Le conseiller de Thomas Yayi Boni, le tout nouveau président de la république béninoise, propose que le Bénin accueille un "dialogue positif pour découvrir et inventer les projets et les mesures pouvant effectivement retenir en Afrique ceux qui n'ont que le choix de partir", estimant qu'un vrai co-développement constitue la seule solution.
Evoquant les combats des tirailleurs africains incorporés dans l'armée française dans les deux guerres mondiales, la traite négrière, et la langue commune, il estime que "notre histoire mêlée à la vôtre fait de nous des « ayant droit à la France.»
"Chez nous les
choses sont claires depuis longtemps. Nous sommes la terre d'origine de
Toussaint Louverture. Nous nous reconnaissons fils et disciples d'Aimé Césaire,
sœurs et frères consanguins de Christiane Taubira. Sans jamais trop insister
nous savons le prix du sang versé pour la liberté sur des champs de bataille qui
nous furent communs", souligne l'intellectuel béninois.
La visite de M. Sarkozy en Afrique, a coïncidé avec l'adoption par l'Assemblée
nationale française d'une loi controversée sur l'immigration "choisie" qui
durcit les conditions d'entrée et de séjour en France et propose des "cartes"
temporaires (trois ans éventuellement renouvelables) de "compétences et talents"
aux diplômés des pays en voie de développement…