Toodè N° 71
◊◊◊◊◊◊◊◊◊

15 juillet 2006

Pierre G

◊◊◊◊◊◊◊◊◊

 

La « messe » est dite !

Le « mondial » est terminé !

La « religion » foot a dit sa « grand messe ». Le monde entier a vibré, s’est enthousiasmé, a supporté, a chanté et même a « prié » (pour son équipe). On a pu voir dans les stades, une foule réunie dans une communauté de foi, des célébrations émotives, des hymnes, des cantiques, des invocations … La mise en scène comporte bien des ressemblances entre la manifestation sportive et le rite religieux.

On pourrait dire que le football est une nouvelle religion qui a tendance à remplacer les religions en place.

Sur ce constat on a vu naître : « l’Eglise de la Providence » qui pratique le culte footballistique. Son créateur, Jông Myong-Sôk (coréen) parvient à fabriquer du sacré à partir d’un jeu ordinaire pratiqué dans un lieu profane. « Il s’adresse à un milieu estudiantin et vise une audience internationale. Il remplace l’anticommunisme de Moon par un engagement sportif. Ses cultes dominicaux se déroulent dans les stades des universités, autour des matches de football dont l’enjeu rituel est la réunification des deux Corée et l’instauration du royaume de Dieu sur terre. »1

Le football, très mobilisateur, met en scène toute la symbolique de sa doctrine construite sur un système de complémentarité entre le monde des « vivants » (les joueurs) et un « monde des esprits » (les spectateurs). De l’ardeur des joueurs et des clameurs des spectateurs dépend l’orientation du monde.

« En fait, jouer au football pour célébrer le culte permet à l’Eglise de la Providence d’utiliser un double registre : profane-ouvert et sacré-fermé. Les initiés ne regardent pas les matches comme les néophytes. Ils leur donnent une dimension métaphorique, un sens lié à la doctrine qu’ils apprennent et dont les spectateurs étrangers au mouvement ignorent l’existence. Vie religieuse et vie profane coexistent ainsi dans un même espace. »1

 

Récemment un collègue de travail était fier que les équipes qu’il encadre aient bien figuré au tournoi « inter-mosquées ». Je ne connais plus d’équipe « catho » mais l’A. J. Auxerre est la digne descendante de l’équipe du patronage fondé par l’abbé Deschamps !

 

La croyance que Dieu (sensible à nos prières) puisse donner la victoire à « notre » équipe, plutôt qu’à l’adversaire, révèle d’un comportement assez « primaire » et l’on peut voir des gestes « rituels » sur les terrains (signe de croix, cercle de joueurs main dans la main ou le baiser sur la pelouse …) comme des gestes superstitieux.

 

« Le football est d’abord un révélateur universel de tous les antagonismes sociaux et mondiaux : la faute et la grâce, le jeu et la violence, la fortune inouïe des stars du ballon rond et le marché des joueurs, souvent recrutés dans les pays pauvres et transformés en esclaves modernes du sport-spectacle »2

« La religion et le football se rejoignent, pour le meilleur comme pour le pire. Ce n’est pas le moindre paradoxe d’un sport-spectacle mettant en scène les ambivalences de la condition humaine : juste et pécheur, tantôt génial tantôt odieux, chanceux ou maudit, le footballeur, cet esclave adulé mais si vite déchu des temps modernes, n’est-il pas un miroir de notre propre destinée ? »2

 

Quelle est cette religion qui adule le plus fort, le plus puissant, le plus rapide, le plus malin … ?

Quelle est cette religion qui « admet » la violence, fait paraître des « stars », a des parfums de dope, fait croire à l’argent facile … ?

 

Nous sommes loin « d’heureux les pauvres, les doux, les purs, les humbles … » de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ.

 

Mais connaissez-vous Toussaint ?

C’est le Zidane des S.D.F., milieu défensif. « Toussaint conduira en septembre l’équipe de France de football à la « homeless World Cup » au Cap en Afrique du Sud. Ce mondial existe depuis 2003, à l’initiative de Mel Young, patron d’un journal de rue écossais. C’est l’UEFA qui finance grâce aux amendes payées par les grands clubs européens. 500 joueurs de 48 pays disputeront des matches sur des mini-terrains à 4 contre 4. Les Bleus sont 8. Français de souche ou d’origine camerounaise, algérienne, polonaise, la plupart vivent en hébergement d’urgence. « Pour ces individus en survie permanente dans la rue, le sport favorise la reconnaissance de soi, la prise d’initiatives, la gestion des échecs », dit Benoît Daneau, animateur au Secours Catholique, à l’origine de l’équipe. « On ne gagne aucun argent, mais ma richesse, c’est ma joie ! s’exclame Toussaint. On existe et on donne de l’espoir à nos collègues. »3

 

 

 

1 source CNRS

 

2 Le Monde, Denis Müller, professeur d’éthique à la faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne du 15/06/06

 

3 Le Point du 06/07/06