Toodè N° 70
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15 juin 2006

Thierry M

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La France a peur ?

 

 

France “terre d’accueil” ! Je croyais trop naïvement[1]  à cet abrégé !

Mais la France a peur, nous dit-on… alors exit l’accueil, comme pour dire de mieux protéger « notre » terre !

 

D’ailleurs il paraît qu’il y a des Islamistes partout, surtout dans les gaines d’aération de Roissy ! Non, sans rire ? Un islamiste c’est facile à trouver il a une barbe et va à la mosquée ! M de Villiers y est allé en personne… à la mosquée et à Roissy, au nez et à la barbe de tous… donc c’est vrai ! 

 

La France a peur et certains de ses dirigeants ne résistent pas à manipuler et amplifier cette peur ! D’autres en perte de vitesse dans les sondages, mais qui aimeraient tant « diriger » notre pays, n’ont de cesse que de trouver des voies au lieu de permettre qu’entre les peuples nous trouvions ensemble des voix pour vivre une immigration et des échanges heureux.

 

L’autre, l’étranger,  naturellement, fait peur ! 

Ah cette sacrée peur ! Vous savez celle dont François de Sales disait qu’elle est plus grand mal que le mal [2] ! Chacun voudrait bien se défaire de la peur ! Il arrive trop souvent, ou toujours si nous n’y prêtons pas attention que nous l’éliminions en bannissant ceux qui font peur et il y a bien des manières de le faire. La façon la plus simple consiste à supprimer purement et simplement celui qui vous fait peur et hop il n’y aura plus qu’une tombe inoffensive dans un paisible cimetière !
Sans aller jusqu’à la dalle funéraire il suffit d’éloigner, de « déporter » même ou de ‘nommer’ ailleurs par une promotion douteuse, de mettre au placard, en voie de garage, c’est plus pernicieux et plus facile à justifier…

On peut encore tout faire pour disqualifier celui qui porte ou symbolise la peur, le rendre plus vulnérable en ironisant sur sa taille, sa couleur, son sexe, sa religion, sa manière d’aimer et encore selon de bien d’autres critères ; tout cela à l’unique fin de le rendre moins humain, sous-humain, inhumain ! He, nous avons moins peur de ce qui est chosifié ou animalisé !  « Ah ces chiens d’étrangers sont tout de même plus domptables! »     

 

Dire qu’il nous suffirait qu’un peu de force ou de curiosité pour franchir une frontière ! Remarquez, à force de parler du tout ‘sans-frontières’, nous tombons dans la confusion et l’illusion. Cela relève de la prouesse que de franchir les frontières que l’on passe son temps à gommer. Difficile de franchir celles qui séparent les peuples, pour aller à la rencontre et espérer ainsi dépasser doucement cette autre frontière plus sournoise et résistante qui nous retient ou enferme en nous-mêmes, en nos certitudes, en nos manières de voir, d’envisager la vie ou de croire. Et quand vous estimez sortir tout droit de la cuisse de Jupiter ou d’être choisi et envoyé par Dieu lui-même alors plus grand chose de ce qui est de l’humain quotidien ne vous émeut !  

 

C’est ado, dans mes années lycées, que pour ma part, j’ai découvert que certaines frontières que je croyais infranchissables sont devenues passages ! A l’arrière de mon lycée il y avait une zone à forte concertation immigrée, on l’appelait « Chicago », tout un programme et en tout cas un lieu «infréquentable.» Jusqu’au jour où les éducateurs de ce lycée nous ont signifié que dans ce Chicago-là il y avait des gens qui voulaient apprendre le français et, dirions-nous aujourd’hui, s’intégrer. Notre modeste statut de lycéen pouvait facilement répondre à cet appel d’alphabétisation ! C’est ce que nous avons risqué, à quelques-uns. Nous avons répondu présents. Depuis ce jour-là, je me suis surpris et étonné moi-même de traverser la rue spontanément pour aller serrer la main à un maghrébin : les côtoyer dans ces cours m’ont appris le « b.a.-ba » du voyage vers l’autre.

 

Se donner la chance de passer cette frontière-là ouvre à un échange. Alors des regards se croisent pour aller à la rencontre l’un de l’autre.  Des mains se tendent, non pas d’abord pour prendre ou donner, mais pour se « sentir »,  s’apprivoiser, se reconnaitre.

 

Alors mesdames et messieurs les politiques puisque une campagne s’annonce puisiez-vous plutôt que d’agiter la peur, mettre en œuvre un co-développement apte un durable bonheur ?  

 

 



[1] Voir l’article du Dossier : « Voyager librement à l'étranger »

[2] Tome 13 - p211 Lettre de F de Sales à Madame de Chantal année 1606