Toodè N° 46

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15 juin 2004

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13 juin !

Ce  13 juin fut un grand jour: une matinée commencée par un passage par l’urne des élections européennes et ensuite, vécue dans l’église avec 6 enfants, leurs parrain et marraine, parents, amis, pour la fête de la vie et du baptême. Midi sonne au clocher de l’Eglise, pas de répit pour rendre l’apéro, juste le temps de sauter dans la voiture pour me rendre à une petite église encore inconnue pour moi, et honorer le faire-part d’ordination d’un ami! Plus tard dans la nuit,  une accalmie me laissera songeur devant l’écran de télé pour au moment du coup de sifflet final des matches du jour !

 

C’est souvent surprenant le mois de Juin, les églises font le plein dans la succession des mariages, baptêmes, professions de foi, confirmations… L’église où je me suis rendu en cet après midi du 13,  débordait de monde et de surcroît vibrait. Elle n’avait probablement jamais vu cela! Tous cela à cause de Saint Pierre et Paul qui font du mois de Juin le mois des ordinations ! Et aussi, il faut le dire, à cause d’un ami qui accepte de devenir serviteur par l’ordination ! 

 

Au mois de juin, à travers ses ordinations, l’Eglise se donnent une chance supplémentaire de dialoguer avec le monde. La célébration de laquelle je viens était peuplée de jeunes: « ça me fait drôle – me confie un homme à l’aube de la soixantaine - pour une fois, je ne me trouve pas le plus jeune de l’assemblée ! »  Cette église était pleine, joyeuse, vibrante tout à la fois de brins d’humour et d’un plein d’amour, d’applaudissements nourris et d’un recueillement intense, d’émotion et de motions pour le service de l’homme. Une célébration truffée de paroles et de gestes qui nous auraient facilement fait oublier que nous étions dans une église, et d’autres en même temps qui nous emportaient, hommes et femmes de ce temps, à la force de l’Evangile de Jésus Christ.

 

Le mois de juin, en embuscade au beau milieu de l’année après les dimanches de Pâques, nous  rappelle l’événement de Noël, l’avènement d’un Dieu-Emmanuel qui toujours marche sur la terre mêlant ses pas divins à ceux des humains.

 

Oui « L’Homme est la première route que l’Eglise doit parcourir !» Cette sentence de Jean Paul II, jamais très enfouie en moi, a cependant rejailli en ce 13 juin ! 

 

Cependant il est vrai aussi que les ordinations ne sont pas toujours de cet élan et de cet «allant» ! Dans un forum sur Internet, une religieuse écrivit :  « Je suis inquiète pour les derniers ordonnés qui semblent n'avoir jamais étudié Vatican II mais plutôt Vatican I ou même le concile de Trente. »

Oui, parfois point de fantaisie, ni même de clin d’œil à la vie… au cœur de certaines ordinations où l’on se croit à un culte des anciens, non pas d’Egypte ou de Babylone, comme me le faisait remarquer un ado, à propos de la messe,  mais seulement un culte des années 50, avant Vatican 2…  Récemment, pourtant en ce début de 3ième millénaire, je revoyais encore des céroféraires droits comme des « i » porter lourdement des chandeliers kitsch, dénichés on ne sait où, nous faisant oublier la lumière ! … Le thuriféraire, quant à lui, marchait à pas de chanoine faisant voltiger son encensoir, sans la présence à son côté de son naviculaire fournisseur d’encens… (tiens, une petite entorse à la sainte liturgie !) Tous ces cérémoniaires, avaient largement dépassés l’âge de la puberté et déambulaient, ni simples, ni modestes,  « saucissonnés » parfois dans une aube quasi transparente qui ne voilait rien de l’arrangement anarchique et négligé de l’amict, qu’une étole/ficelle grossière venait juguler en haut d’un col romain, d’un blanc des plus purs qui était arboré avec fierté !

 

Rien de tel à l’ordination que je viens de vivre. Je laisse une amie, en trois coups de plumes, retracer cette célébration : «  Tous ces prêtres... étoles rouges qui glissent et se suivent et suivent, visages graves, l'homme en blanc... Seul... Il concentre en sa blancheur tous les regards, estime et amitié, fidélité et joie, fraternité, richesse...  Très blanc devant eux tous, devant nous tous, multicolores... Multitude... aux  visages connus, reconnus, retrouvés, devinés, espérés, inespérés, tous ensemble tournés, tendus,attendus, attentifs et heureux. »

 

Une célébration qui est dans le sens de la vie à cette rencontre de Dieu et l’homme !

Qui ne peut que nous faire désirer un retour à la Source où s’initient en alliance les forces  d’aimer : celle de Dieu et celle de l’homme

 

Une autre amie confiait après l’événement : « Cela me renvoie à mes non-choix ou mes choix par défaut, à mes hésitations, mes doutes et mes peurs d'oser. Cela donne à réfléchir, et surtout, des moments comme ça, mis bout à bout, poussent à agir... aussi ! »

 

Cet événement nous permet d’espérer sur le  monde le chant du Serviteur en inscrivant le service  comme un appel et non un pouvoir ou un privilège. 
 « Il s'agit donc de se débarrasser de tous les ornements glanés au cours des siècles (certains par nécessité, d'autres non) et de revenir au sens premier. L'objectif est de mettre en lumière l'essentiel, ce qui est propre au sacerdoce et de délaisser tout ce que l'on croyait indispensable et qui n'était que secondaire. »  Cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga du Honduras

 

Le dire pour l’Eglise, donc le dire aussi pour le monde ! Car enfin, nous vivons dans un monde où nous sommes en recherche d’un bonheur durable tout en nous laissant berner par l’éphémère, la relativisation, l’absence de projets, qui provoquent ennui et peurs et qui font le vide. L’impressionnant mémorial du 6 juin 1944 que nous venons de vivre à l’échelle européenne, ne trouve pas un écho favorable et cohérent, ce 13 Juin, remarquable par un taux record d’abstentions aux élections européennes, comme si l’Histoire n’étaient qu’alignement d’histoires sans liens les unes avec les autres !  

 

Le soir du 13 toutes ces « images » se mêlaient avec celles  de la fête d’une ordination que je venais de vivre. Tard le soir, devant la télé, j’entendais les klaxonnes des supporters de Zedine Zidane et sa bande : assurément ce n’était pas les cris de victoire des citoyens européens ! J’écoutais les commentaires d’un premier Ministre, (le premier Serviteur !) se féliciter de la victoire à l’arraché des Bleus; de la défaite de l’élection Européenne, non pour « son parti » mais pour le parti des citoyens que nenni ! Il est vrai que là encore c’est plus le pouvoir que le service qui compte ! 

 

En définitive nous sommes sûrement  sur la bonne voie lorsque dans le monde, à gauche comme à droite nous disons « écoutez les citoyens-électeurs  qui  n'aiment pas, lorsqu'ils émettent un signal, qu'on les ignore", ou en Eglise, lorsque nous disons : « Ecoutez  et lisez les signes des temps pour inventer les formes de services auprès de tous en commençant par les plus modestes !

La tâche est rude car il s’agit de comprendre le monde et les situations dans lesquelles nous évoluons et en même temps de promouvoir une action fondée sur la justice et en Eglise sur  l’Evangile de Jésus apte à poursuivre son œuvre libératrice.

 

Tehem