Toodè N° 39

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15 novembre  2003

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Au début des années 70, il y a donc bien longtemps, j’étais élève au Collège Saint-Michel, à Annecy. Je me souviens qu’une exposition avait été préparé dans le cadre du centième anniversaire du fondateur de l’ordre des Oblats de Saint François de Sales, le Père Brisson. A l’époque, cette exposition m’avait beaucoup fait réfléchir. Elle évoquait notamment le monde dans lequel nous vivions, et proposait, dans un esprit salésien, des thèmes de réflexion sur ce monde, notre monde. Cette exposition marqua une étape importante de ma vie : pour la première fois peut-être, j’acceptais de « penser » ce monde aux contours incertains. Je sortais du monde de la petite enfance, limité aux espaces domestiques et familiaux, pour entrer dans un monde d’adultes, élargi aux dimensions des grands problèmes économico-politiques : « ce monde, notre monde, n’est-il qu’une immense décharge ? », questionnait l’exposition. Les grands dysfonctionnement de ce monde, tels qu’ils appartenaient aux années 70, m’apparaissaient alors grandeur nature pour la première fois :  pollution, misère, sous-développement, dictatures, guerres, risque atomique (pour reprendre les termes de l’époque). A ces dysfonctionnements était jointe une forte parole d’espérance, puisée aux sources de la spiritualité salésienne : le monde, notre monde pouvait donc mal aller – ce qui est connu depuis l’Antiquité – mais la parole d’espérance demeurait plus forte. Il y avait donc de l’espoir !

Souvent j’ai repensé à cette exposition. Les dysfonctionnements du monde ont évolué, ont muté. Mais l’essentiel demeure : déséquilibres écologiques et climatiques, pauvreté structurelle, mal-développement et mauvaise gouvernance, terrorisme, prolifération nucléaire (pour reprendre les termes contemporains). Face à ces dysfonctionnements évolutifs, que reste-t-il de l’espérance avec un grand E ? L’espérance n’est pas un remède ou un gri-gri. Elle est une parole prophétique qui donne sens à l’engagement de tout un chacun (individus, associations, églises, etc) pour la justice et la paix. Elle est comme ces centaines de petites lampes puniques très fragiles et retrouvées par miracle intactes sous les décombres d’une Carthage détruite avec vigueur par l’occupant romain. Mais à quoi bon retrouver de telles lampes s’il ne s’agit que de les exposer dans la vitrine d’un musée, témoins passives d’un dysfonctionnement passé ? Chacun d’entre nous est appelé, au sens évangélique (« Viens, suis-moi ») a tenir allumées ces petites lampes en s’engageant dans la limite de ses moyens, à travailler pour que ce monde, notre monde aille mieux. Rien ne sert de se plaindre de tout, de critiquer systématiquement, de prendre un air entendu sur les choses et leur contraire. Seulement prendre le temps d’écouter cette petite voix intérieure qui appelle à l’espérance, et fort de cette Parole, savoir reconnaître les signes de la Vie, puis oser proposer cette espérance comme force de changement. Parce que la vie est une fête, un tourbillon sans fin.

 

Philippe Richard