Toodè N° 16
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15 décembre 2001

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TOODE 15 DECEMBRE 2001

 

Je voulais vous écrire un billet intitulé "Nous sommes tous des

terroristes...", car nous le sommes tout autant que "juifs allemands" ou

"américains"... Certes les formes peuvent varier, latentes ou violentes,

archaïques ou technologiques, étouffées ou éclatées, mais depuis la nuit des temps

l'homme pense (!) qu'il ne peut s'affirmer qu'en s'opposant. Ce fut longtemps la loi

de la jungle. Nous n'avons pas beaucoup progressé...

Quelques petits exemples ?

Il semble qu'en France, pour être écouté, il faut descendre dans la rue.

Ce n’est plus l’apanage des étudiants ou de la CGT, puisque maintenant

avocats, médecins, retraités, chômeurs, policiers prennent leur part.

Même les gendarmes (qui trouvent en face d’eux… les CRS !). Cela pose

déjà question sur la modernité d’une démocratie. Mais c’est encore plus

grave, quand on bloque tout un pays (conflits des routiers,…), quand on

menace de faire exploser ou répandre des produits chimiques

(Adelshoffen, Cellatex, Moulinex,…) au risque de polluer l’eau potable

de toute une région ou de provoquer des morts innocentes. Tout comme le

principe de dissuasion de l’arme nucléaire, il ne fonctionne que si on

est prêt à la faire sauter. Le mal est déjà là.

 Je ne voudrais pas m’étendre encore sur la question d’une certaine

mondialisation qui n’est que l’imposition, par un cinquième du monde aux

quatre autres cinquièmes, d’un certain système économico-culturel. Je ne

veux pas non plus tomber dans le simplisme. On sait bien qu’il y avait

des employés asiatiques et mal-payés de cafétéria dans les tours du

World Trade Center, tout comme il y a de riches enfants du pays qui

exploitent leurs frères au Bénin. Mais il ne faut pas s’étonner que cela

puisse créer quelque part du ressentiment ! On vend des posters de Ben

Laden dans les rues de Cotonou…

 On est tous d’accord en général sur l’idée que les populations pauvres

des pays pauvres deviennent plus riches. On l’est moins quand il s’agit

pour cela de partager les richesses mondiales accaparées pour plus de

80% par 20% de la population, au nord… Et nous sommes complices, comme

‘consommateurs’, comme ‘actionnaires’, comme ‘veaux’ inertes et muets

devant cette évolution. Le terrorisme peut  être armé ou structurel… Il

y a morts violentes et morts lentes…

 

 Les morts innocentes du terrorisme sont toujours un énorme gâchis pour

l’humanité. Elles seront toujours injustifiables. Mais pleurer ne

dispense pas de réfléchir.

« Si tu pleures parce que le soleil s’est couché, tes larmes

t’empêcheront de voir les étoiles », dit un proverbe.

 

 Et puis je suis tombé sur un article d’un anthropologue camerounais,

Séverin Cécile Abega, qui entre autres choses relevait que, aussi bien

dans le discours de Bush que dans celui de Ben Laden, on retrouve ces

éléments :

- le terroriste, c’est l’autre ;

- il fait souffrir des femmes et des enfants, et frappe aveuglément ;

- nous le traquerons où qu’il se cache ;

- nous le ferons sans relâche et nous vaincrons ;

- c’est le combat du bien contre le mal ;

- Dieu est avec nous.

Sous une apparente unanimité, ils ne se comprennent pas, car ils ne

s’écoutent pas, ne se voient pas.

‘La haine et la vengeance sont des attitudes inhumaines qui perpétuent

le crime et ne sauraient construire l’avenir pour personne’, rappelle

Henri Tessier, archevêque d’Alger. Voyez malheureusement l’actualité du

Proche-Orient, et l’engrenage consécutif à la guerre en Afghanistan !

Si, en cautionnant certaines décisions occidentales, nous jouons le jeu

du terrorisme, nous donnons aux terroristes ‘la satisfaction de nous

voir perdre notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la

dignité et la valeur de la personne humaine’, comme l’exprime Sylvie

Bukhari de Pontual, de Justice et Paix- France.

 

 « Les gens vont-ils enfin se regarder et se voir ? Se parler et

s’entendre ? S’écouter et se comprendre ? Se considérer et se respecter,

y compris dans leurs différences ? », continue notre ami camerounais…

 

 

     Nous sommes un grand jardin de fleurs, des floralies,

     De couleurs, de parfums, de formes infinies,

     Toutes sont originales, font partie de la fête,

     Dont le bouquet final est d’une beauté parfaite…

 

 

 Dans quelques jours, les chrétiens vont accueillir et fêter un petit

bébé, innocent et dépendant, fragile mais fécond, désarmé et pourtant

porteur de vie.

 

 Au-delà de l’aspect sécularisé de cet événement, saurons-nous écouter

son message de sagesse ?

 

Stéphane RAUX