Toodè N° 7
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15 mars 2001
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Terre !
La joie est intense lorsque le
navigateur touche la terre au retour des océans traversés en solitaire. Voilà, offerte,
une stabilité après les longs voyages sur le mer qui hésite entre calme et
agitée.
Terre ! Voici la terre inconnue
mêlée de joie et de tracas, pour les boat-people rejetés de la terre qui les a
vu naître devenue ingrate, inhospitalière, inhabitable. Comment se fait-il que
l’homme mon frère soit devenu si méfiant au caractère ombrageux et barbaresque
au point de s’approprier une terre, offerte certes, mais plus donnée en partage
qu’en propriété ou en profit !
Hé ! Hommes de science:
souviens-toi ! Notre histoire commence par un déplacement. La vie, depuis,
longtemps, se pelotait en nonchalance dans les profondeurs des eaux. Une longue
traversée lui fera se donner à la terre. Et depuis ce foyer de l’Est africain,
l’homme, "Lucy" ou bien " Millenium Ancestor "
-on ne sait pas encore très bien- va conquérir la terre… condamné, en même
temps, à l’amour par sa puissance sexuelle intense et permanente et au voyage,
par sa taille qui s’allonge lui permettant de courir loin . Sa mâchoire qui
s’affine lui permettra de passer moins de temps sur place à concasser les
fruits sauvages à la gangue dure et d’avoir la dent longue pour croquer les
kilomètres…
Et voilà la vie qui appartient à la
terre et non le contraire. Hé croyant: la bible dit-elle autre
chose !
Adam et Eve sont éconduits du jardin
des origines, l’ange de Dieu à l’épée flamboyante garde l’arbre de vie et
interdit définitivement tout retour au temps passé et aux lieux d’autrefois
fussent-ils sacrés.(Gn 3,24)
" Notre père était un
Araméen vagabond, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son
petit clan. " (Dt 26, 4-10) Et les
hommes de Babel auraient bien voulu prendre la terre pour eux mais ils ne
pourront construire une tour apte à la fixer ; ils seront dispersés par
toute la terre. Que la vie remplisse la terre; mais que l’homme ne s’approprie
pas cette terre!
Viendra le temps de la marche
déclinée en exil, exode, errance… rien n’est pire que l’immobilité :
marche des hommes et marche des peuples et en même temps marche du Livre d’un
testament à l’autre.
La terre promise, où coule le lait et
le miel sera bien marquée par une installation. Mais cette terre sera mise au
partage, non par mérite ou récompense, ni à cause d’ancêtres, mais par tirage
au sort (Josué 14): signe qu’elle n’appartient à personne.
Relis ces paroles puisque d’elles,
hospitalité, accueil de l’étranger et paix peuvent advenir.
Creuse dans la boue pour puiser une
eau qui deviendra claire. L’homme s’est laissé engloutir par les soucis du
quotidien, par ses convoitises et par une jalousie féroce de ce qu’il s’arroge
comme sa terre. Il doit entendre à nouveau, au fond de lui-même et de la terre,
chanter les sources. Il lui faut les dégager des alluvions déposés au cours des
ans.
Il lui faut apprendre à renaître.
Thierry M