Ils
auraient bien voulu le retenir à une garden-partie dans la cour
de la synagogue ou sur la place du village … rien que pour eux,
pour qu’il accomplisse ici des prodiges, les mêmes qu’à
Capharnaüm ! On les comprend !
Mais
Jésus ne se laisse pas enfermer sur nos places fortes ni dans le
pré-carré de nos Eglises!
Sa bonne nouvelle est destinée à courir le monde, franchir les
frontières, vers l’étranger, l’exclu, jusqu’à l’extrémité de la
terre… Parce qu’il est prophète, Jésus est poussé hors la ville,
au bord de la falaise. Ce jour là il en réchappera.
Au pays de François de Sales nous nous méfions des falaises
escarpées même si nous chérissons nos montagnes !
Douceur et de simplicité sont un peu comme l’améthyste précieuse
qui apparaît au cœur de la géode une fois brisée la pierre à
l’apparence extérieure banale.
Douceur et l’humilité en définitive semble peu convenir à notre
monde violent jugé corrompu et méprisable... Il n’y a guère que
l’Evangile, la parole de Jésus aimant le monde et les hommes,
tranchant comme le glaive qui ouvre le chemin, la vie et la
vérité nue, loin du velouté et de la docilité !
Et nous n’aimons pas être bercés d’histoires mensongères, nous
préférons l’histoire vraie sans langue de bois. Toute vérité
est-elle bonne à dire ? F. de Sales nous met en garde: la
parole de vérité peut faire tellement de mal !
« Toute vérité qui n'est pas charitable, vient d'une charité qui
n'est pas véritable! »
Ce qui compte pour l’esprit salésien, c’est la juste mesure,
celle du cœur humain !
« Je n'ai encore vu personne –poursuit-il- qui se soit mal
trouvé de dire du bien du prochain. »
Autrement dit, s’entraîner à parler bien de son frère est plus
important que d’asséner la vérité !
Si une vérité risque de blesser il nous suggère de « s'en
défaire, se l'ôter de l’esprit et n'en point parler »
Il nous décrit cet artiste peignant une personne qui avait perdu
un œil, dans le portrait il en avait masqué ce défaut.
Les gens disaient : « Mais où est donc l'autre œil ? » Il
répondait :
« Mais vous, mes amis, où est le votre ? Qu'ai-je à faire de
reproduire un défaut en ma peinture, si je peux le couvrir sans
offenser personne ? » « Toute la beauté de l'âme est dans son
amour envers le prochain. »
Avec
débauche F. de Sales utilise le mot «amour» qui nourrit autant
l’espace du prochain que celui du divin.
« Sa manière de regarder est amour et respect. » Opuscule
Respecter l’autre consiste à le regarder, le considérer, puis
de retourner la tête encore pour le regarder une seconde fois …
avant toute parole, toute action, toute vérité.
Tout le contraire de la colère et passion des amis de la
synagogue qui s’en prennent à Jésus « Mais lui, -dit
l’Evangéliste-passant au milieu d'eux, allait son chemin ! »
F de
Sales a du beaucoup méditer cette non-violence, en tout cas il a
eu mainte fois l’occasion de passer et d’aller !
Combien de ragots et médisances ses détracteurs ont-ils fait
courir sur lui ?
- on le soupçonna d’être impliqué dans la bastonnade du bois de
Sonnaz, sur le jeune et brillant sieur Berthelot !
- on fit circuler dans Annecy une lettre anonyme l’accusant de
prostitution … et on lui chercha querelles pour bien d’autres
motifs encore … chaque fois, on venait jusqu’à la porte de
l’évêché, menacer avec pistolets et épées, crier des chansons
paillardes, et jeter boue et excréments. Il est même arrivé
d’amener une meute de chiens que l’on faisait hurler à la mort
afin d’empêcher le sommeil.
«Fermez les portes -disait F de Sales- laissez passer l’excès de
colère. Laissez clabauder l’ennemi à la porte ! Et quand au
parloir de la Visitation par hasard il rencontra un de ses
détracteurs il lui sauta au cou… pour l’embrasser
affectueusement comme si rien ne s’était jamais passé ! Même
Jeanne de Chantal lui reprochera de trop se laisser faire !
Imperturbable, il répondait « qu’il n’avait nullement
l’intention de perdre en quelques instants de colère le peu de
douceur acquise à grand prix durant des années ! » Il se
connaissait cet homme !
« Je
suis un chétif homme sujet à la passion véritable ! » disait-il
de lui-même.
Savoyard, affable et doux, il est aussi capable des pires
colères, comme l’eau cristalline des torrents qui un jour égaie
la pente de la montagne et un autre la ravage !
Passant au milieu d'eux, il allait son chemin. Il faut ‘tirer
chemin’ résumait F de Sales, devenir doux et humble de cœur
passe par le combat et la maitrise de soi.
«Tirer chemin»:l’expression convient si peu à la douce et
bucolique balade dans les alpages au jour d’été !
«Tirer chemin» exige un effort incessant dans la traversée de la
haute mer du monde.
«Tirer chemin» mobilise l’énergie à rechercher le sens de la
marche dans ce monde chahuté et contradictoire,
«Tirer chemin» en la pente abrupte des montagnes donne accès à
un des derniers espaces préservés, uniques.
« Tirer chemin» permet de voir « merveilles en ces lieux-là» :
grandeur de l’homme et saveur sublime de Dieu.
Dans les fatigues des montées et des descentes, en un unique
mouvement l’humain et le divin s’allient !
Regardez comme les cascades, elles forcent la contemplation de
cette tension entre tumulte et embrun, fermeté et souplesse,
grâce et liberté: étonnante intensité où s’allient ciel et
terre, fardeau et repos ... Homme et Dieu.
Mais comment vivre en notre monde entre force et douceur ?
Soyons réaliste dit F de Sales « Quoique nous fassions, - le
monde nous fera toujours la guerre : … Il épiera tous nos
mouvements, et pour une seule petite parole de colère, il
protestera que vous êtes insupportables ; (….) il dira que votre
douceur n’est que niaiserie … IVD Chapitre1
C’est ainsi que les doux sont traités de faibles et que les
forts sont jugés arrogants. Une fois encore F de Sale nous
replace dans « l’entre deux » de la vie: en cette rencontre des
opposés, entre action et repos, entre lutte et contemplation.
« Que celui qui ne veut rien entendre crie tant qu’il voudra
comme le chat-huant inquiète les oiseaux du jour. Mais nous
soyons fermes en nos desseins, invariables en nos résolutions… »
« Croyez-moi: comme les remontrances d’un père faites doucement
et cordialement, ont bien plus de pouvoir sur un enfant pour le
corriger que les colères et courroux » (IVD III 9)
Sommes-nous déterminés à traverser la vie, forts de douceur et
souples d’une étonnante robustesse.
François de Sales, décrit la douceur comme « repos », abandon
bienheureux en Jésus-Christ, la Source. Sa façon d’annoncer
l’Evangile est d’abord communion à ce Dieu du cœur humain,
source de la joie ! Il nous fait réentendre encore le Christ,
vivante Parole de Dieu, il nous somme de venir à Lui, (…)
Non pas de revenir à Lui, ce qui insiste trop sur regret et
souffrance, et souligne plus le péché que la miséricorde. Il
nous somme de venir à lui avec la force des commencements comme
si c’était la 1ière fois, le 1ier pas et 1ier émoi.
Le doux et humble de cœur salésien s’enracine dans l’Evangile et
les Béatitudes.
« Heureux les plus pauvres, les plus petits, les doux qui ont un
cœur à découvert » la terre leur appartient ! Les doux «anawin»
sont les ‘courbés’ devant Dieu. Ils sont interpellés par un
vigoureux ‘En marche les humbles !’
Le doux ne s’emporte pas devant les contradictions de la vie.
Il laisse la colère et calme sa fièvre : il a cette patience qui
lui donne de savoir attendre pour être comblé. Le doux ne
cherche pas à faire violence à Dieu, ni à lui arracher ce qu’il
est incapable d’obtenir de lui-même. Le doux a ce courage sans
violence, cette force paisible, ce respect accueillant. Il a la
force d’âme qui accepte de rentrer dans le temps de Dieu et dans
sa manière. Amen
Visitation d’Annecy
vendredi 29 août 2008
Semaine
Salésienne
Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc
(Lc 4, 16-50)
Jésus vint à Nazareth, où il avait grandi.
Comme il en avait l’habitude, il entra dans la synagogue le jour
du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta
le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le
passage où il est écrit :
L'Esprit du Seigneur est sur moi
parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction.
Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres,
annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres,
et aux aveugles qu'ils verront la lumière,
apporter aux opprimés la libération,
annoncer une année de bienfaits
accordée par le Seigneur.
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit.
Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
Alors il se mit à leur dire :
« Cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est
aujourd'hui qu'elle s'accomplit. »
Tous lui rendaient témoignage ; et ils s'étonnaient du message
de grâce qui sortait de sa bouche.
Ils se demandaient : « N'est-ce pas là le fils de Joseph ? »
Mais il leur dit :
" Sûrement vous allez me citer le dicton : 'Médecin, guéris-toi
toi-même. Nous avons appris tout ce qui s'est passé à Capharnaüm
: fais donc de même ici dans ton pays !' "
Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète n'est
bien accueilli dans son pays.
En toute vérité, je vous le déclare : Au temps du prophète Élie,
lorsque la sécheresse et la famine ont sévi pendant trois ans et
demi, il y avait beaucoup de veuves en Israël ;
pourtant Élie n'a été envoyé vers aucune d'entre elles, mais
bien à une veuve étrangère, de la ville de Sarepta, dans le pays
de Sidon.
Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en
Israël ; pourtant aucun d'eux n'a été purifié, mais bien Naaman,
un Syrien. »
A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux.
Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le
menèrent jusqu'à un escarpement de la colline où la ville est
construite, pour le précipiter en bas.
Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin.