Dossier Toodè
 15 octobre 2005

 Réalisé par

Pierre 

 

Sommaire du Dossier

Crise de "fois"
Extraits de « La vie » n° 3131 du 01/09/05
Jean-Claude Guillebaud.  Aujourd’hui nous devons gérer deux sentiments contradictoires.

Jacques Leclerc nous conte son expérience en Chine … des ponts à construire !  Dans un pays où l’on ne peut pas rendre compte de sa foi, l’ « être chrétien » s’exprime autrement...

Toujours en Chine, mais avec une autre mentalité ! « Les préjugés d’un peuple sont comme les chênes, ils ont des racines....


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document 1
Extraits de « La vie » n° 3131 du 01/09/05
Jean-Claude Guillebaud

Aujourd’hui nous devons gérer deux sentiments contradictoires. D’une part, nous avons toutes les raisons de nous méfier du phénomène de la croyance, qu’elle soit religieuse, économique ou scientifique – car nous savons qu’elle porte en elle-même le dogmatisme et le cléricalisme – et, d’autre part, je suis persuadé que l’homme ne peut pas vivre, ne peut pas être, sans croyance. Il n’y a donc pas de tâche plus urgente aujourd’hui que de reconstruire une force de conviction. Mais en se méfiant du dogmatisme. Il nous faut donc créer un rapport nouveau, complexe et critique avec la croyance.

Croire est un acte volontaire. On croit parce qu’on l’a choisi. J’aime l’image que toute croyance – nécessaire pour que l’homme existe, pour que sa conscience soit unifiée – est un pont jeté sur l’abîme du doute. Mais une fois construit, il y a deux façons de le traverser. Soit en se disant que c’est le seul pont possible, en le traversant les yeux fermés ; manière dogmatique, cléricale. Soit en le traversant les yeux ouverts, en sachant qu’à gauche et à droite il y l’abîme du doute. En sachant aussi qu’en amont et en aval d’autres ont pu construire d’autres ponts. Mais que c’est le même abîme et que leur méthode est tout aussi respectable. Et cette attitude me semble aujourd’hui nécessaire devant la violence du monde.

Pour défendre nos idées, nous devons nous aussi croire en quelque chose, agir en conviction.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

document 2

Extrait de la revue « Prier » n°275 octobre 2005 p. 28-29
(propos recueillis par Christine Florence)

 

Pendant plus de 10 ans, le Père Jacques Leclerc du Sablon a habité et travaillé dans l’Empire du Milieu. Une aventure spirituelle peu banale.

« Dans un pays où l’on ne peut pas rendre compte de sa foi, l’ « être chrétien » s’exprime autrement, dans un au-delà des mots. Ainsi, au début, je maîtrisais mal la langue, si bien que les étudiants me comprenaient peu. Néanmoins, un contact s’est établi rapidement avec eux et mes collègues reposant sur la confiance. Il s’agissait simplement de vivre, de marcher et de travailler à leur coté. De me taire beaucoup aussi. Un profond silence, et une grande solitude, ont marqué toute la durée de mon séjour. Non un silence du néant, ni du doute, mais « le murmure d’un fin silence », celui qu’Elie perçoit dans la montagne et qui est signe de la présence de Dieu. M’efforçant de « mettre en dialogue » des sagesses telles que le taoïsme, le bouddhisme et le confucianisme avec le message du Christ, je me suis nourri, dans cette contemplation silencieuse, des trésors de nos traditions respectives. Une manière d’établir des liens entre mon chemin et le leur. En allant visiter avec eux des temples, j’ai pu rencontrer ces hommes et ces femmes en profondeur. C’est ainsi qu ‘au fil de nos échanges, discrets et par petites touches, j’ai noué de solides amitiés. Aussi bien avec ceux qui sont imprégnés des grandes traditions qu’avec les autres – majoritaire  - qui se disent athées. Le peuple chinois est en effet, profondément spirituel. Le « Qi », désignant le souffle, l’énergie vitale dans les traditions chinoise et japonaise, lui rappelle qu’il n’est pas fait que de chair et de sang, mais le renvoie à une dimension tout autre de son être. J’ai constaté aussi qu’ils avaient une grande soif de savoir « vers où regarder » pour être heureux ; également de vivre en paix et de s’ouvrir au pardon. Même si la réconciliation sino-japonaise est une éventualité douloureuse, qu’ils ont encore du mal à désirer. Je me souviens des paroles de cet ami chinois : « la religion ne m’intéresse pas, mais vous, chrétiens vous connaissez le pardon ». L’incroyance de mes frères humains, les chinois, a interrogé ma foi. Si je veux que le mystère de la venue du Seigneur féconde mon silence de foi, encore faut-il qu’il y ait silence. C’est ainsi que j’ai puisé, tout au long de ces années, ma nourriture dans l’eucharistie quotidienne, que je célébrais seul, tous les soirs, chez moi. Les chinois sont porteurs d’une révélation. Ne m’ont-ils pas renvoyé à l’exigence d’être un homme spirituel, pour mieux mettre en évidence notre filiation commune, universelle ? L’Esprit est en partage dans l’humanité là où Dieu ne se dit pas ».


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

document 3

Extrait des « annales de la propagation de la foi » n° 287  juillet 1876

Du vicariat apostolique de la Mandchourie, lettre de M.J. Noirjean, missionnaire en Mandchourie à M. Maury, directeur au séminaire des Missions Etrangères à Paris.

Païen-sousou, province militaire de l’Amour, le 21 août 1875

….

« Les préjugés d’un peuple sont comme les chênes, ils ont des racines profondes. Le chinois ne croit qu’à ses sapêques (monnaie) ; après Confucius, la loi vivante et le grand saint de l’empire, il ne porte guère son cœur et son âme plus haut que la terre. Le Mandchou s’admire dans son orgueil : fier de ses huit bannières, il méprise le reste ; il se complait dans son titre de Mandchou, sans lequel on n’est rien. Il aime beaucoup ses tsamas ou devins ; s’il est malade, il les appelle auprès de lui. Le tsama se coiffe alors de son divin casque, le chénmao, s’entoure les reins d’une ceinture de grelots, et le voilà qui exécute par la cour et la chambre ses mille gambades ridicules, évoquant l’esprit qui doit lui apporter le remède infaillible pour sauver le malade. Tout le monde est debout, le tambour résonne ; et si le moribond ne trépasse pas à ce vacarme, du moins ne s’en porte-t-il guère mieux. Tel est le Mandchou, très orgueilleux et très superstitieux. C’est le portrait de tous les Tartares, à cette différence près que le Solon et le Takouri sont peut-être plus sauvage avec un degré de plus pour le culte de Fô. Ils ont une haine profonde pour tout ce qui est européen ; jamais ils n’oublieront la campagne des français en Chine et les pertes qu’ils ont eu à subir. Ce sera toujours un grand obstacle à leur évangélisation.

Depuis que je suis sur cette terre, je n’ai vécu que de luttes et d’épreuves ; il n’en pouvait être autrement dans un poste qui a pour patron le Grand-Dragon.